Finaliste de la Wilde Karte #06: Charly Jolliet

C'est l'heure du déjeuner. Dans le Jardin botanique de l'Université de Fribourg, les étudiants et les employés de bureau étalent leur pique-nique. Seuls quelques curieux sont attirés par la partie cachée au fond du jardin qui abrite le secteur «Arbres du passé, arbres d'avenir» inauguré en avril dernier. Des passerelles sinueuses mènent à travers les hautes herbes à l'Umbrella Pavilion triangulaire (photo de titre), pièce maîtresse du nouveau secteur. Avec son plancher surélevé d'une hauteur de marche, ses bancs périphériques et son toit en bardeaux caractéristique, le petit ouvrage rappelle un pavillon de thé japonais.

Les sections transversales de différents troncs d'arbres sont disposées à l'ombre du toit. Des panneaux renseignent sur ce que les cernes nous racontent sur la vie des arbres. Mais inutile de les lire si vous êtes avec Charly Jolliet. L'architecte du pavillon vous expliquera quels cernes sont signes de sécheresse, ou bien que l'anomalie visible dans l'un des motifs est due à une avalanche. On comprend très vite que le bois est la passion de Jolliet. Son enthousiasme pour ce matériau et son amour du détail lui ont été transmis par son père. Jusqu'à sa retraite, il y a deux ans, celui-ci dirigeait une entreprise de construction en bois à Montbovon, dans le canton de Fribourg. Et, en fin de compte, c'est aussi à lui qu'il doit la commande du pavillon. En effet, son premier projet, la rénovation de l'ancienne auberge des Préalpes aux Sciernes-d'Albeuve, Charly l'a réalisé dans l'entreprise paternelle. C'est là qu'un jour un e-mail est arrivé dans sa boîte de réception: l'entreprise pouvait-elle livrer un simple abri pour le Jardin botanique? Bien sûr, répondit Charly Jolliet, mais dans un si beau jardin, il y a certainement mieux à faire. Lorsqu'il s'est rendu sur le site, il a trouvé trois mélèzes malades dont l'abattage avait été décidé. Jolliet a relié les positions des trois arbres pour tracer un triangle, la forme du nouveau pavillon. Il a fait écorcer les parties inférieures des troncs. Ceux-ci supportent le toit en tant que poteaux d'angle. Une scierie locale a utilisé le reste du bois pour fabriquer des planches destinées au plancher et aux bancs.

Une délicate maquette en bois de l'Umbrella Pavilion se cache dans la vieille ville de Fribourg. Son toit triangulaire semble flotter au-dessus du reste - Jolliet l'a suspendu par un fil au plafond de son atelier. Sur les murs sont alignés des plans et des photos, notamment des trois maisons mitoyennes pour lesquelles Jolliet a récemment déposé la demande de permis de construire. Il explique que pour le moment il travaille seul ici, ce qui est parfois difficile, surtout à l'occasion de concours. Les échanges, il les a en discutant avec des amis professionnels et grâce à la photographie, sa deuxième grande passion. La photographie d'architecture lui permet de découvrir les travaux d'autres bureaux, et de partager avec eux ses points de vue et son expérience.

Jolliet n'aurait jamais imaginé que trois ans seulement après avoir terminé ses études d'architecture à l'EPF de Zurich, il se lancerait en tant que bureau unipersonnel dans son canton d'origine. Après avoir découvert Tokyo lors d'un semestre d'échange et avoir travaillé comme stagiaire chez Bruther à Paris, il voulait d'abord postuler dans un grand bureau à Zurich - jusqu'au jour où il s'est rendu à Fribourg pour assister à un concert sur la terrasse du Belvédère. En regardant les toits de la vieille ville, il s'est soudain dit : et pourquoi pas Fribourg?

Comme s'il s'agissait d'une déclaration d'intention, une longue table de travail trône dans l'atelier: beaucoup de place qui ne demande qu'à être remplie de grandes idées, de projets, et peut-être bientôt aussi de premiers employés.